Pourquoi chasser le ragondin à l'arc ?
L'abolition heureuse de l'utilisation de la bromadiolone, lors de campagne
de lutte collective contre les rongeurs, doit nous faire réfléchir sur notre
aptitude à gérer la faune sauvage. Chasseurs, piégeurs et autres protecteurs
de la nature ont combattu ensemble pour mettre au point une philosophie d'actions
qui s'est traduit par un arrêté interministériel en date du 8 juillet 2003,
arrêté autorisant encore l'empoissonnement mais de façon temporaire, maîtrisée
et exceptionnelle là où il était déjà utilisé et là où n'existent pas de moyens
alternatifs.
Parmi ces moyens alternatifs, la chasse au fusil nous vient naturellement à
l'esprit, pourtant moins connue, la chasse à l'arc, légalisée en 1995, offre
une multitude d'avantages comparativement à une arme à feu. Des milliers d'archers
français se spécialisent dans la chasse du ragondin à l'arc, quelles sont les
raisons de ce choix ?
Qualifier à tord d'arme de braconnier, à cause du silence de son tir, l'arc
de chasse est désormais accepté comme une arme à part entière et de plus est,
que certain qualifie d'arme écologique. En effet cette dénomination peut parfaitement
lui convenir si l'on considère que l'arme n'apporte ni nuisante sonore, ni polluante.
Le silence de la décoche doit nous faire réfléchir sur l'avantage apporté par
l'arc, en effet qu'il s'agisse du ragondin ou d'un tout autre gibier, il est
indéniable qu'un animal chassé à outrance au fusil se décantonne vers des lieux
plus calmes et change ses mœurs. Dans le cas du ragondin, un tel bouleversement
ne peut être que néfaste à sa chasse, car l'animal ne sortirait plus que la
nuit ou s'installerait dans les réserves ou autres endroits non chassables.
Considérons à présent l'aspect environnemental, aucune pollution ne peut être
incriminée au tir d'une flèche comparativement au million de billes de plomb
tiré par les fusils, puisque même en cas de raté, la flèche de bois ou d'aluminium
sera récupérer par le tireur grâce à sa flottabilité, lui permettant de finir
sa course sur la berge opposée.
Quant au niveau de la sécurité une fois encore l'arc est mieux adapté à la chasse
de ce gibier aquatique puisqu'une flèche pénètrera la surface de l'eau interceptant
la progression sous-marine du ragondin, là où les plombs auraient ricochés à
la surface de l'eau. Mais les raisons invoquées ne suffisent pas à elle seule
d'expliquer l'engouement de la chasse à l'arc, chez nous un chasseur à l'arc
a suivi une information dispensée au mois de mars dernier par l'ONCFS sur la
cohabitation du castor et du ragondin en même temps que les piégeurs agréés
de Savoie. C'est dire la motivation de ce chasseur pour cette chasse, la chasse
à l'arc du ragondin est une bonne école de tir.
La chasse à l'arc du ragondin peut se pratiquer, à l'affût, en billebaude, à l'approche ou encore en bateau comme en Aquitaine et en Charente, ce qui lui donne un petit parfum d'aventure.
Même si la chasse à l'arc n'est pas à elle seule, la solution pour contrôler
l'invasion des ragondins, elle va dans le bon sens.
Notre chasseur à l'arc est toujours à la recherche de nouveau territoire de
chasse, une invitation à la journée lui serait agréable, vous pouvez le joindre
par mail georges.chazerault@free.fr.
Merci
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Cabris à l'arc par Henri Thibaut, Président de l'ACA73.
Mercredi 13 septembre 2006, c'est la date que je suis en train de découper sur cette bague en plastique marquée IS1. J'ai un goût amer dans la bouche, j'éprouve une certaine plénitude mélangée à de la nostalgie. Aujourd'hui mon rêve s'est réalisé. Toutes les expériences accumulées m'ont permis de ne pas faire d'erreurs et la chance étaient du coté du chasseur. Ma joie est pleine de retenue devant cet animal qui vient de rendre son dernier souffle.
Le fait d'avoir pu tirer ce cabri à l'arc m'apporte beaucoup plus que tous ces chamois tirés à la carabine de façon souvent trop facile. Cà fait 3 ans que je cours après les chamois avec un arc à la main une bonne partie de la saison sans réussite malgré de nombreuses occasions manquées. Un autre chasseur que j'ai initié à l'arc, avait réussi à tiré un bouc la saison passée. Onze heures que nous parcourons notre belle montagne de Savoie avec mon équipier. Nous avons déjà fait 1700 métres de dénivelé. Pour une fois nous n'avons pas dormi dans le chalet en altitude, mais nous sommes partis à 3h30 du matin du bas de la commune.
Nous espérions être à la limite des alpages à l'aube. C'était sans compter sur la sauvagerie des lieux. Un ancien du village avec qui je me suis lié d'amitié m'avait bien montré tous les passages. Mais de nuit et maintenant que plus personne ne les emprunte, la végétation a repris ses droits. C'est ainsi que pour éviter quelques orties, nous nous sommes retrouvés coincé dans le lit abrupt d'un ruisseau. Heureusement que nous avions pris piolets crampons et cordes. La suite de la montée ne fut guère plus facile au milieu du dédale de barres rocheuses.
Les chamois ou autres animaux se défilaient au fur et à mesure sans que
nous puissions les voir. Il fait grand jour, quand nous atteignons notre
poste avancé ou nous laissons les gros sacs. Mais il fait tellement chaud
que les chamois ont déjà regagné la fraîcheur de la forêt. Débute alors
une longue partie de cache-cache dans les " embrunes " ,les " arcosses
" et les bouleaux. Le paysage est fabuleux. La sécheresse commence a donner
des couleurs d'automne à la végétation. Un ruisseau parcourt le vallon
et finit en une magnifique cascade. Nous restons posté juste au-dessus
car c'est l'endroit ou les chamois traversent de larges coulées en témoignent.
Mais nous sommes arrivés trop tard, et nous ne pouvons nous permettre
d'attendre le soir. Il faut redescendre en espérant en surprendre quelques-uns
uns sur le retour.
Mon collègue fatigué et échaudé par les mésaventures du matin redescend
par le vieux chemin. De mon coté, je vais essayer de retrouver le bon
passage entre les barres rocheuses et les couloirs. C'est là dans le premier
couloir que je m'apprête a traverser que je vois le premier chamois de
la journée, un male qui disparaît comme par magie.
Je redouble de prudence car il est rare qu'un chamois soit seul, et 50
m plus bas j'aperçois une tache fauve à coté de celle plus sombre d'un
autre animal, puis un autre. Je me déleste de mon sac et de mon piolet.
J'ai la chance d'être au-dessus d'eux et le vent monte. J'ai souvent remarqué
que les chamois veillent au-dessous d'eux et j'ai pris pour principe de
toujours les approcher par le haut ou à niveau. Ils sont en train de traverser
le ruisseau et le bruit de l'eau couvre celui de mon déplacement.
Je sors mon télémètre.
Je ne suis plus qu'à trente mètres du denier animal. Je reconnais facilement
à sa petite tête toute ronde un cabri. M'ont-ils senti ?
Toujours est-il qu'il s'enfonce dans le bois à la suite de sa mère. Je
me laisse à mon tour glisser dans le ruisseau presque en courant, je ressors
et l'aperçois à 45 m en train de brouter. Je ne vois que le haut de son
corps et je profite des instants ou il baisse la tête pour se nourrir
pour avancer.
J'entends les autres chamois devant et je fais bien attention qu'ils ne
me voient pas non plus. La tension devient palpable, j'essaie de contrôler
l'émotion. Je suis à moins de 15 m, j'arme comme dans un rêve. S'il relève
la tête il risque de me voir. Je lâche ma flèche qui tape sèchement contre
le rocher.
Démarrage fulgurant, l'ai-je raté ?
Non, dans les 2 ou 3 secondes qui suivent, j'entends le bruit de sa chute
dans les feuilles.
Au loin, le bruit de fuite des autres.
Je vois ma flèche à 12 m contre le rocher, je la récupère sans bruit et constate quelle est pleine de sang. Je prends les jumelles et le retrouve sans peine, les pattes sont en l'air, animées des derniers soubresauts.
Le calme est retombé. Je repense à ces années passées à parcourir cette
montagne, a toutes les difficultés rencontrées.
Je rends les honneurs à l'animal pour toutes ces émotions données.
La chasse à l'arc, c'est magique !
Jeudi 28 septembre 2006, c'est notre troisième tour de chasse au chamois. Sur les 1900 ha de l'ACCA de Maurienne dans laquelle nous chassons, 4 secteurs " chamois " couvrent la partie supérieure de la commune, la partie basse restant chassable par les autres sociétaires. Cette chasse se pratique habituellement à l'approche en équipe de 3 à 4 personnes maxi par secteurs. Les attributions qui étaient l'année dernière montées jusqu'à 40 bracelets pour 70 chasseurs pour retombées cette saison à 24, suite au dernier comptage.
Aujourd'hui, je suis seul. Mes nouveaux coéquipiers travaillent. Ils
sont eux aussi archers et nous avons pu pour la première nous regrouper
pour chasser le chamois exclusivement à l'arc. C'est un pari difficile,
mais pour moi c'est depuis quelques années la seule façon de chasser avec
plaisir ce gibier. Je ne pourrais donc pas leur faire découvrir le magnifique
territoire que j'arpente en toute saison depuis dix ans.
Le départ s'effectue de nuit en short et débardeur pour éviter que mes
vêtements de chasse ne sentent trop la transpiration. Ce n'est qu'au lever
du jour, arrivé dans mon secteur que je revêts ma tenue de camouflage.
Tous mes vêtements ont été préalablement traités avec des produits anti-odeurs.
Mon sac à dos contient l'essentiel pour être le plus léger possible sans
prendre de risque au niveau sécurité. De toute façon si je reviens avec
un animal se sera un cabri qui pèse en moyenne 10 kg. Il n'est donc pas
nécessaire d'avoir un sac énorme.
J'ai beau jumeler le versant qui me fait face, je ne vois pas trace de
chamois. Je n'en suis qu'à moitié étonné car vu les chaleurs de cette
fin septembre, ils fréquentent des endroits plus frais. Il faut donc essayer
de découvrir leur retraite.
Je sais par les autres chasseurs qui sont montés la veille, qu'ils ne
sont pas dans les alpages ou sur les crêtes car ils sont tous revenus
bredouilles. C'est sur qu'ils doivent doucement rigoler quand ils nous
voient avec nos arcs. Il est vrai que pour ces gens à la vie rude habitués
à chasser cet animal depuis des décennies d'une certaine façon, notre
manière de faire est difficilement compréhensible. Mais ils n'ont rien
contre puisqu'ils nous acceptent comme " membres étrangers ", mais leur
bon sens leur dit d'attendre et de voir. A nous de faire nos preuves.
Le vent sur ce versant Ouest du massif de la Lauziére va être descendant
jusqu'en fin de matinée. Il me faut donc gagner le bas de la vallée ou
coule un torrent pour aborder le secteur à bon vent. La descente par un
ancien chemin est assez facile mais il est couvert de feuilles mortes
qui font un bruit épouvantable. C'est là que je mets en fuite le premier
chamois de la journée. Un gros male si j'en juge par le pied. Je m'en
veux un peu car je sais qu'ils y sont souvent.
Arrivé en bas, je suis le pied de la falaise ou se trouve le passage des
animaux. Cet envers de montagne est tellement peu fréquenté que les meilleurs
chemins sont ceux laissés par les animaux. Je franchis un ruisseau toujours
en suivant les traces de chamois, elles sont fraîches de la nuit mais
combien de temps, c'est difficile à dire. La remontée est raide mais on
le sait quand on chasse ici. C'est une des raisons qui fait que personne
n'y vient et que les animaux y trouvent refuge.
J'arrive enfin dans une zone de rochers qui surplombe le vallon. Vu le
nombre de traces et de crottes, c'est là qu'ils ont du se reposer. Malheureusement,
ils ont déjà vidé les lieux. Maintenant, je remonte la crête de sapin
qui offre une meilleure visibilité mais fonctionne dans les deux sens
car j'entends un bruit de fuite dans le couloir suivant.
La poursuite continue par une longue traversée ascendante aux milieux
de barres rocheuses. Heureusement, le " vieux " m'a appris tous les passages
de cette montagne. Il a des noms pour tous les lieux, tous les mouvements
de terrain et vous pouvez toujours les chercher sur une carte ! Lui seul
les connaît avec quelques anciens chasseurs de chamois du village et il
me les transmet comme un héritage.
Sous mes pieds le vide se creuse, heureusement les arbres me rassurent
en coupant la visibilité. Un petit piolet ultra léger me permet de m'assurer
dans les passages les plus délicats. Un chevreuil jaillit de sous un sapin
mais l'arc est en bandoulière. Encore une occasion manquée mais à force
on a toujours une occasion plus propice. J'ai beau marcher doucement,
je transpire à grosses gouttes. Ce n'est décidément pas une température
de saison. Un passage plus délicat m'oblige à sortir la corde pour escalader
une crête de rochers et prendre pied dans un couloir. Je sais que la zone
dans laquelle j'arrive est propice aux rencontres mais comme souvent malgré
mes précautions, c'est encore eux qui me voient les premiers. Les deux
mères suitées remontent la crête de l'autre coté d'un autre couloir. Elles
ont trop d'avance pour essayer de les rattraper mais cet après midi je
projette d'arriver par le haut et je serais où les chercher.
J'aborde une zone de végétation moins dense, c'est une alternance d'immenses
" planes " et de sapins. Cette partie de forêt se situe entre deux
ruisseaux dans un fond de vallée et garde une très grande fraîcheur même
par les journées les plus chaudes. Je sais qu'ils sont là !
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Caché derrière mon arc sur lequel j'ai disposé un filet de camouflage,
j'avance doucement celà n'empêche pas deux mères suitées de se
défiler sans chercher à comprendre ce qu'est cette " chose ". Ca ne m'affole pas car le terrain pour l'instant ne m'est pas propice à un tir. Arrive au deuxième ruisseau dont le bruit de l'eau couvre ma progression, mon odeur est entraînée par un courant d'air froid vers le bas et je peux progresser caché par les arcosses. Puis arrive lepassage de " l'étroit ", comme son nom l'indique c'est un passage clé dans une gorge coincé entre le rocher et une immense cascade. Si on le remonte, on quitte la foret de feuillus pour arriver dans les alpages. C'est là, dans ce paysage magnifié par les couleurs de l'automne, qu'il y a quelques jours j'avais tué mon premier chamois à l'arc. Absorbé par ces pensées, je continue ma lente et discrète progression en me dissimulant au mieux. Tout à coup, je me fige alors qu'un animal qui en fait de même à quelques pas de moi, après un moment d'observation mutuel, je mets à profit cet instant pour préparer mon tir. |
Mes gestes me paraissent d'une lenteur inouïe tout en me controlant. Les
automatismes des longs entraînements sur cible sont là. J'adore
ses secondes d'éternités ou tout peux basculer d'un moment à l'autre.
La situation est irréelle ; je suis entouré par une dizaine de chamois
dans la clairiére au dessus de moi avec cette chèvre à quelques mètres.
Son petit doit être à 6 mètres de moi. Le problème c'est qu'il faut que
je me relève pour pouvoir tirer sans que ma flèche rencontre d'obstacles.
Tout à coup, c'est la panique dans la harde, les animaux s'enfuient de
tous les cotés, je me relève tel un diable sortant de sa boite en poursuivant
du regard le cabri, si proche mais maintenant hors de portée.
Trop tard !
Peux être pas, une chèvre emprunte le passage dans le rocher mais j'ai
un bracelet de cabri.
Elle est magnifique et s'arrête en plein travers. Regarde t'elle vers
moi ?
Où plutôt attend-elle son cabri parti dans la mauvaise direction
?
Effectivement un cabri la rejoint et marque le même arrêt que sa mère
qui ne tarde pas à regagner le couvert des arcosses. Il cherche, comme
elle, a identifier le danger. Mais il ne le voit pas.
Ma flèche le transperce et frappe violement le rocher derrière lui. Elle
n'a pas pu ressortir entièrement car il en était trop près. Je peux parfaitement
voir l'atteinte qui est un peu en arrière à l'entrée mais beaucoup trop
à la sortie.
Je n'ai pas suffisamment fait attention à l'angle de tir car ll'animal
me faisait finalement plus face en fuyant.
Il fait quelques pas, titube, gêné par la flèche dont la lame accroche
des racines.
Une nouvelle flèche est déjà encochée et je m'apprête
à retirer quand il s'effondre.
Je traverse le couloir en quelques secondes, touché aux reins et aux fémorales,
il est déjà mort.
Mais ce n'est pas une fin, encore un moment d'intense émotion. Je suis
là, tout seul au milieu d'une nature sauvage, à vivre une véritable
aventure. Je me retrouve seul face à ma conscience, je ne triche pas,
j'ai vécu un moment unique à jamais gravé dans ma mémoire. Ce moment est
si rare qu'il est bon de le partager. Mais sans aucune volonté de vantardise,
non je suis chasseur, je l'assume. C'est dans mes tripes. Je suis simplement
attaché à mes montagnes et à la nature, la vraie.
Ce chamois c'est le résultat de journées consacrées à parcourir cette
montagne, à essayer de la comprendre, mais aussi connaître son histoire,
les gens qui y vivent, leur culture et leurs traditions.
Sans oublié une passion de l'archerie. Egalement une recherche d'exigence,
une façon de concevoir la vie.
Voilà pourquoi, j'avais envie de vous faire partager cette journée en
ayant une pensé pour mes coéquipiers qui j'espère pourront bientôt ressentir
ces mêmes émotions.
Et comme le dit Yann, , " l'éthique, c'est ce qu'il reste quand on est
seul au fond des bois " .
Association des Chasseurs à
l'Arc de Savoie
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